Cieux, Foudre, Feu... Miraculé ou presque

Soudain la porte s'ouvrit d'un coup sec sur deux Eurens, un homme et une femme, qui firent leur entrée d'un pas rapide et décidé avant de prendre le contrôle entier des lieux. La jeune femme adressa quelques demandes aux volontaires présents, tandis que l'homme – de quelques années son aîné – prit place près du plus récent patient.

« Je suis le docteur Émégius de Gartes et la personne qui m'assistera est Célestine Fouquet. Vous êtes actuellement au dispensaire de Milror. Nous n'en savons pas plus mais tenterons ensemble de lever le voile sur les quelques mystères qui vous ont mené ici. »

Le docteur s'était adressé au Huskarl qu'il savait bien inconscient, puis ensuite se retourna vers le paysan afin de prendre compte des faits. À cette introduction s'était mêlé le bruit des outils que l'on préparait pour un premier examen sérieux, environ une dizaine de minutes après que l'Huskarl leur fut confié.

Le malheureux avait été nettoyé et était dans son plus simple appareil à l'exception d'un voile et d'une culotte doublée de paille sèche. Le grabat sur lequel il avait été transféré après son arrivée était plus confortable, quoi qu'encore bien sommaire.

Dès qu'elle posa le regard sur le patient, Célestine prit l'initiative de préparer un onguent apaisant les brûlures, qu'elle composa d'aloès, de millepertuis, de menthe et d'une réduction de vin blanc. Au chevet, une scribe d'un âge important notait au fur et à mesure sur un vélin les observations du docteur.

« Les intrications corporelles semblent être des inflammations. Peut-être un poison non répertorié. Le pouls est faible mais stable. Il en va de même pour la respiration. Il nous faudra le gaver après l'avoir fait vomir », adressa-t-il à l'intention de son assistante, qui répondit d'un hochement entendu.
Après lui avoir fait évacuer ses biles et ses humeurs afin de purger quelques poisons qui pu s'y retrouver, on releva un bref instant les paupières de l'Huskarl, sous lesquelles les yeux retournés voyageaient de manière erratique.
« L'activité oculaire suggère un état particulièrement actif de l'esprit. Il pourrait s'agir de démence silencieuse. Quelques cicatrices sur le corps, toutes conformes à des blessures de guerre. Le bras droit a déjà été fracturé en deux endroits. Possiblement une chute de cheval en bas âge. Habituellement cela s'accompagne au niveau des chevilles par... »

Et il s'arrêta net : en cherchant à identifier au toucher une fracture de la cheville, le docteur remarqua une brûlure aussi saillante qu'intrigante dont le centre était cautérisé en un trou de près de trois millimètres de large.

« Marque de brûlure inconnu au talon droit. Certaines des intrications corporelles suggèrent y mener. »
Le docteur remonta ensuite le cours des étranges marques, juqu'à longer le cou sur le côté gauche du visage de l'Huskarl, pour y trouver une autre brûlure similaire sous quelques cheveux roussis.
« Autre brûlure récente et distincte au-dessus de la tempe gauche. »

Le docteur, songeur, tenta d'en percer les mystères jusqu'à ce que Célestine revint au chevet, lui signalant qu'aucun signe tangible d'empoisonnement n'était détectable. À son tour intriguée, elle regarda les dessins qui ornaient la peau de l'Huskarl avant de se risquer en hypothèse.
- Mon père et moi plantions de vieilles épées sur la plage avant les orages afin d'en cristalliser le sable et revendre nos œuvres à quelques badauds impressionnables.
Émégius tourna son regard interrogateur vers elle, mais l'invita d'un moulinet de la main à poursuivre, sachant que la jeune femme avait toujours une orientation bien précise derrière chacune de ses anecdotes.
- Ces ramifications sous la peau, continua-t-elle, ressemblent à ce que nous voyions sur le sable après que la foudre eut frappé. C'est ce qui est peut-être arrivé à cette pauvre âme.
- C'est un sujet peu étudié, consentit le médecin. Nous avons je crois déjà traité de gens frappés par la foudre à Tryr, mais à un niveau anecdotique, tout au plus. Apportez-moi le traité intitulé « Études des cas étranges du Professeur Catardan ».

Tandis qu'on gavait le patient et lui appliquait les baumes préparés par les bons soins de mademoiselle Fouquet, le traité fut déniché et consulté rapidement.
- Ah, voici, s'exclama le docteur. Le cas d'une femme frappée par la foudre. Elle avait été attachée au pilori pour une durée indéterminée et, une nuit orageuse, la foudre frappa les chaînes avant de traverser le corps de la malheureuse. Voici le graphe exécuté par le professeur afin d'en identifier les marques laissées.
Il retourna le document où un dessin illustrait parfaitement ce qui se retrouvait sur le corps de l'Huskarl.
- Comment fut-elle soignée? De demander l'assistante.
- Elle est morte sur le coup. En fait, jamais il n'a été officiellement répertorié un survivant. Il nous faudra donc le veiller de très près...

Les marques de brulures aux membres témoignaient en effet des stigmates de la foudre, celle-ci avait, semble-t-il, traversé le corps du malheureux de part en part. Néanmoins, quelques bandes de peau brulées au second degrés marquaient les extrémités des doigts en des motifs parfaitement parallèles les uns des autres. Mis-à-part divers débris de nyckelharpa à moitiés cramoisie et les restes déchiquetés d'une simple toge, le huscarl ne possédait pas d'autres effets personnels.

Depuis quelques jours, aux bons soins du docteur Emegius de Gartes, l'état du miraculé s'améliorait. Cependant, depuis quelques nuits, il n'était pas rare que ce dernier soit en proie à des terreurs nocturnes. Parfois, le regard halluciné, emprunt d'un délire, le huscarl marmonnait d'étranges chants, dont le contenu magmatique narrait les épopées d'étranges divinités.

[HRP Désolé pour le méga retard, j'ai été fort pris ces temps-ci]