Pour son Altesse sérénissime le Prince

Altesse sérénissime,

La présente vous est adressée quant à l'homme exhibé au pilori.

Le triste amusement doublé de la hargne de la foule aura tôt raison de l'accusé. Au fruits pourris se sont mêlés pierres et bois qui ont fait mouche. L'exhibé est actuellement défiguré, ses chairs en de nombreux endroits rompues, ses pieds nus malgré la saison risquent la nécrose. Mes Seigneurs savent probablement déjà que j’eus défié foule et gardes afin d'apporter quelques soins et réconforts à l'accusé. Je le fis pour ma conscience et plus encore : le message qui est actuellement envoyé au peuple est des plus inconfortables.

L'offense dont l'homme est accusée ne devrait-elle pas être traitée selon les modalités martiales et la discrétion qui lui sied si bien habituellement? Devant l'estrade, je crains hélas que nos bons citoyens n'y tourmentent pas uniquement un homme, mais bien la figure emblématique de la garde et de la haute, ce qui porte préjudice à mes Seigneurs, son Altesse sérénissime ainsi qu'à sa Majesté. Vous le sacrifiez aux ires de la plèbe et de la nature , alors que bien qu'accusé, il n'est encore officiellement coupable de rien. Si vos agissements sont ainsi entre nos propres murs et envers nos semblables, comment devons-nous les imaginer en l'extérieur de nos enceintes? Ne laissez pas l'imagination vous causer préjudice, laissez-la nourrir votre légende.

J'implore votre indulgence au nom de cet homme. Car bientôt nous ne pourrons pas uniquement parler d'une justice laissée aux mains d'une foule qui bien mal conseille, mais de confrontations sérieuses entre nos semblables.

Et s'il sied à mon Prince d'y voir une manifestation de sa propre magnanimité, qu'il en soit ainsi : il aura ainsi l'opportunité de faire valoir encore une fois sa grandeur au peuple et ses qualités de dirigeant raisonné auprès de ses hommes d'armes. S'il souhaite d'autant plus en sortir grandi, je lui offre ma plume comme rhéteur et mon expertise d'homme de science afin que l'Histoire lui laisse une digne et juste place pour des siècles encore.

Je vous prie, Altesse sérénissime, de considérer mon humble demande et de faire honneur au grand destin s'étant penché sur votre berceau.

Docteur Émégius de Gartes