Missive pour le Prince

La missive sera soigneusement cachetée, une clef de sol en guise de sceau.
Elle contiens deux feuillets.

Sur le premier est écrit:

Votre Altesse,

Pardonnez moi de n'avoir guère pu en temps voulu fournir d'informations concernant le sujet qui semble préoccuper les autorités, à juste titre, en ces temps troublés.
Afin de ne vous faire perdre plus de temps qu'il en serait convenant, j'ai pris la plume et un peu de recul pour essayer de poser des mots sur ma mémoire.

Ne sachant guère quelles sont les libertés de parole accordées aux ménestrels en ces landes, et voulant bien entendu vous réserver la primauté de mon témoignage, je vous transmet un des premiers jets d'une ballade que je n'ai encore mise en musique sur le sujet qui vous intéresse, du moins je le pense.

Si ces quelques vers vous semblaient offensant, je me ferais un devoir de ne point les chanter à l'avenir.

Avec tout mon respect,

Zsuzanna.

Sur le second:

Un vent marin imprégnant l'atmosphère
Aussi tendue que du navire les cordages,
Aussi tendue que d'une jolie femme le corsage,
Alors qu'ils venaient à peine de toucher terre...

Un flot ininterrompu de complaintes
Jaillissait des lèvres dodues du notable
A l'encontre de son escorte affable,
Quoi que cette dernière semblait feinte...

Et pourtant en cette nuit un drame...
Projectiles brillant dans le voile noir,
Eclats de Lune perçant le soir...
Des cris de douleur, déjà les dames se pâment...

L'ambassadeur est tombé,
Ici il est l'Empire, quel coup du sort...
Lourd, l'homme et les conséquences, la terre encore
En tremble, la garde dépassée...

Et votre humble conteuse, encore embrumée
Des ressacs d'un trop long voyage,
Et non des dégâts de l'âge,
Qui ne pu voir l'assassin passer.

On la convoque, son nom est placardé
Et déjà la foule s'agite,
Les rumeurs les plus folles palpitent,
Tant et tant rêvent d'être récompensés!

Mais déjà le Prince fend la vague
Qui encercle la damoiselle.
Il semble fort courtois avec elle,
Certains prétendront qu'il la drague...

Ce qu'il se passa par la suite...
Est une autre histoire.

Une autre missive aura été envoyé, sans nulle signature, mais au même cachet.


Velvet

Un de ces noms qui caresse la langue,
On s'imagine milles voiles aux transparences multiples,
Et soudain on y perd sa garde, on y voit triple,
Lorsque mâles ivres d'alcool se haranguent.

Le Noble havre de son cœur est, pourtant,
D'apparence accessible à tous,
En Milror elle ouvre ses bras jusqu'aux jeunes pousses.
Les hommes en uniforme? Ils lui plaisent tant, de bons clients.

Et pourtant elle n'aime guère que l'on vienne
Par violence y troubler la quiétude...
Quand certains perturbent sa plénitude
Ses grands yeux noirs masqués entrent alors en scène.

Et alors les corps étrangers sont prestement évacués
Comme s'ils n'avaient jamais été présents...
Comme si personne n'avait contesté ses commandements...
On les retrouvera dans un torrent de larmes salées...